des astuces et conseils pour vous aider à mieux consommer au quotidien !

Alimentation : la stratégie française remise en cause par les associations

Deux ans après l’annonce de la Stratégie Nationale Alimentation, Nutrition et Climat (SNANC) qui n'a toujours aboutie à rien, les représentants de la société civile haussent le ton : associations de consommateurs, collectifs d'agriculteurs ou de scientifiques, ONG et professionnels de santé pointent tous le même blocage.

La France tarde à prendre les mesures pourtant nécessaires pour transformer en profondeur son système alimentaire, alors que les inégalités se creusent et que les maladies liées à la malbouffe explosent. Le texte actuellement en consultation ne propose selon les signataires ni vision claire, ni moyens à la hauteur des enjeux.

Pire encore, selon les acteurs mobilisés il ferait peser toute la responsabilité sur les consommateurs plutôt que sur les véritables moteurs du système alimentaire : l’industrie et la distribution, leurs pratiques commerciales et les politiques publiques.

Déroulé de l'article :

 

Un front uni pour adopter une stratégie alimentaire cohérente

La mobilisation est assez inédite de par son ampleur et sa diversité, puisque ce sont pas moins de 87 organisations qui dénoncent la stratégie alimentaire que souhaite mettre en œuvre le gouvernement français. Si elle n'est pas encore adoptée et finalisée, la version mise en consultation ne convient semble t'il pas à grand monde.

Parmi les signataires figurent la plupart des associations de défense des consommateurs officielles : la CLCV, Familles Rurales ou encore FoodWatch pour ne citer que les plus connues. Des collectifs de professionnels de la santé et de patients : France Assos Santé, la Ligue contre le cancer, la Société Française de Nutrition, etc...

On trouve également et c'est bien normal car c'est leur gagne-pain, des organisations d'agriculteurs : le réseau CIVAM, Fermes d'Avenir ou MIRAMAP (mouvement inter-régional des AMAP), etc... Des acteurs du commerce équitable comme Bioéquitable et Max Havelaar ainsi que de nombreux autres acteurs issus de divers domaines comme Emmaüs, le Secours Catholique ou encore l'Institut du Commerce.

Tous ces acteurs de la société civile s’accordent sur un constat : la version actuelle de la SNANC manque cruellement de leviers d'action concrets. Elle identifie pourtant bien les principaux enjeux : accès à une alimentation de qualité, lutte contre les maladies chroniques, réduction de l’impact climatique, etc...

Mais elle reste enfermée dans une logique de recommandations et de bonnes intentions uniquement. Rien ou presque n’est prévu pour transformer l’environnement alimentaire, encadrer les pratiques industrielles ou rendre les produits sains plus accessibles que les produits ultra transformés.

Les associations dénoncent également l’absence d’un véritable pilotage politique, car en l’état la SNANC n'aurait aucun budget dédié ni mécanisme d’évaluation fiable. Ce qui laisse planer le risque d’un énième plan de communication qui n'apporte rien, ni aux acteurs de terrain ni aux consommateurs.

Ce qui n'est pas sans nous rappeler la conclusion de notre analyse du rapport sur l'environnement édité par le gouvernement, qui lui aussi pose un constat sans appel sur les dangers de l'inaction. Pourtant, les lois récentes adoptées au Sénat et au parlement font exactement l'inverse de ce qui est préconisé.

  • Le constat est partagé, et il est médiocre :

Les arguments des signataires s’appuient sur des chiffres inquiétants. En France, 16% de la population ne mange pas à sa faim. Ce taux grimpe même à plus de 20 % chez les étudiants, contraints de recourir à l’aide alimentaire pour subsister.

Parallèlement, les maladies liées à la nutrition s’emballent : un français sur deux est en surpoids, plus de 10 millions sont obèses et ils sont déjà 4 millions à vivre avec un diabète. Les cas de cancers digestifs et les maladies cardiovasculaires poursuivent aussi leur progression, nourris par des habitudes alimentaires délétères.

Les données officielles sur la consommation confirment la tendance : 80% des français ne mangent pas assez de fruits, légumes et légumineuses. La charcuterie est surconsommée par 63% de la population, la viande rouge par près d'un tiers d'entre nous (32%).

Dans les rayons, les produits ultra-transformés bourrés d’additifs, de sucres, de sel ou de graisses saturées dominent encore très largement l’offre. Les distributeurs aussi sont responsables, la publicité des supermarchés est largement axée sur la malbouffe et la consommation de viande, cible les enfants, etc...

Une distorsion qui interroge sur la répartition des marges dans la chaîne agroalimentaire, et sur le rôle de la grande distribution dans la fixation des prix. Ces manipulations ont également un coût économique qui repose presque exclusivement sur de l'argent public, les coûts cachés de notre système alimentaire sont faramineux (plus de 1.000€ par année et par français).

notre alimentation ne devrait pas être uniquement une affaire de profits © Pexels

notre alimentation ne devrait pas être uniquement une affaire de profits © Pexels

Des propositions concrètes pour une politique publique ambitieuse

Face à ces constats, les signataires ne se contentent pas de critiquer et d'écrire une lettre ouverte au gouvernement. Ils avancent six axes d’intervention précis pour rendre la SNANC réellement efficace. La première priorité est de protéger les publics les plus vulnérables, à commencer par les enfants.

Cela implique l’interdiction de la publicité pour les produits trop gras, sucrés ou salés, dans l'ensemble des espaces où les jeunes sont exposés : télévision, réseaux sociaux, magasins. Ils appellent aussi à rendre obligatoire l'affichage du Nutri-Score sur tous les supports et formats de vente, pour permettre aux consommateurs de faire des choix plus éclairés.

Vient ensuite la question de l’accessibilité économique : les produits bio, locaux, équitables ou à haute valeur nutritionnelle restent trop onéreux pour une majorité de français. Les associations demandent donc la transparence sur les marges des industriels et distributeurs, et un encadrement des pratiques commerciales qui favorisent encore massivement les aliments ultra-transformés.

Un autre levier proposé est la régulation de l’offre dans la grande distribution. Les enseignes devraient être tenues d’atteindre des objectifs d’approvisionnement en produits sains, durables et de qualité, tout en limitant la place des aliments ultra-transformés dans les linéaires et les stratégies de promotion.

La lettre appelle également à réduire progressivement la consommation de produits d’origine animale, sans pour autant tomber dans la diabolisation. Il s’agit surtout de soutenir des modes d'élevages plus durables, de valoriser les filières locales et favoriser les alternatives végétales issues de l’agriculture française.

Pour porter ces transformations au cœur des territoires, les associations réclament ainsi un meilleur soutien financier aux Projets Alimentaires Territoriaux (PAT). Le seuil de financement proposé est de 80 millions d’euros par an pour structurer des filières courtes, renforcer l’agroécologie et améliorer la rémunération des agriculteurs.

Enfin, une mesure de gouvernance est jugée indispensable : la création d’un poste de délégué interministériel doté d’un mandat clair, de moyens humains et financiers. Ce dernier serait chargé de piloter, suivre et évaluer l’ensemble de la SNANC.

l'alimentation est aussi un enjeu d'éducation et de santé © Pexels

l'alimentation est aussi un enjeu d'éducation et de santé © Pexels

L'alimentation : un choix de société par excellence

Les organisations ne se contentent pas de réclamer quelques ajustements techniques, elles interpellent le gouvernement sur un véritable choix de société. Veut-on continuer à laisser l'économie de marché orienter les comportements alimentaires, avec les conséquences sanitaires et écologiques que l’on connaît ?

Ou décide-t-on de reprendre la main, de soutenir les producteurs engagés et de garantir à chacun l’accès à une alimentation saine, durable et équitable ? D’autres pays ont déjà franchi le pas : l'Argentine, le Chili ou le Royaume-Uni ont interdit la publicité pour certains produits nocifs, avec des résultats probants en matière de santé publique.

Les 87 signataires préviennent : il n’y aura pas d’alimentation saine sans choix politiques courageux ! Les recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique édictées dans le cadre du PNNS (programme national nutrition santé) sont d'ailleurs assez similaires.

Parmi elles on peut noter une recommandation qui demande la régulation de l’environnement alimentaire avec notamment la nécessité d'encadrer le marketing plus strictement, précisant d'ailleurs "au besoin par la réglementation" même si nous ne voyons pas par quel autre miracle ça pourrait être fait.

Le HCSP appelle également nos dirigeants à tout faire pour réduire la précarité alimentaire, précisant bien que ça doit être fait de manière ciblée, équitable et démocratique ! C'est dire la confiance qu'ils ont dans nos dirigeants, on peut les comprendre. Car il faut bien comprendre qu'à travers l'alimentation il est aussi question de santé et de notre modèle social, pas juste d'agriculture, de commerce et de rentabilité pour les entreprises.

Les études scientifiques et celles publiées par les institutions expertes comme France Stratégie et l’IDDRI sont formelles : la responsabilisation du consommateur ne permettra pas d’inverser la tendance. Pour améliorer l’accès à une alimentation saine, durable et choisie et garantir le droit à l’alimentation de tous, les pouvoirs publics doivent agir sur l’amont et l’aval de la chaîne alimentaire.

extrait de la lettre ouverte au gouvernement

La version finale de la SNANC devrait être présentée d’ici la fin de l’année 2025. Le gouvernement français prendra-t-il la mesure des attentes exprimées ou se contentera-t-il d’un plan symbolique de communication politique sans impact réel ? Les prochains mois seront décisifs.

Découvrez tous les infos sur l'alimentation

Retour à l'accueil
Partager cet article
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article