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Actus : les coûts cachés du système agro-industriel sont faramineux !

L'alimentation est un sujet bien plus vaste qu'il n'y paraît et a de nombreuses implications dans nos vies, de la culture des terres à l'emploi en passant par la santé et l'environnement, ses implications sont nombreuses et il est difficile d'en chiffrer les coûts réels.

C'est pourtant ce qu'à fait une étude de Caritas France et de quelques associations, qui s'est intéressée aux coût cachés de notre système agro-industriel. Autant vous le dire, ils sont faramineux et pèsent lourdement sur les dépenses publiques. Mais comme c'est un sujet complexe, mieux vaut rentrer dans les détails et aller plus loin pour avoir une vue d'ensemble.

Déroulé de l'article :

 

Quels sont les coûts cachés du système agro-industriel français ?

Voyons les résultats de l'enquête « l'injuste prix de notre alimentation » du Secours Catholique Caritas France en partenariat avec le réseau CIVAM (campagnes vivantes), Solidarité Paysans et la Fédération Française des Diabétiques.

Elle illustre avec précision ce que nous essayons d'expliquer depuis des années, à savoir que les multinationales de l'industrie agroalimentaire (mais d'autres industries aussi) génèrent des profits records alors que c'est nous qui payons la note de ses ravages, nous étant le peuple français.

Des ravages sur la santé (cancers, diabète, obésité, etc...), sur l'environnement (biodiversité, pollution des sols, de l'eau, etc...) mais comment chiffrer ces dégâts que le contribuable paye le prix fort pendant que les coupables eux s'enrichissent.

C'est justement ce qu'a essayé de faire cette étude, sérieuse validée par un collectif de chercheurs incluant des sommités du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), de l'INRAe (Institut national de la Recherche Agricole) ou bien encore du Cirad (Centre International en Recherche Agronomique pour le Développement).

Le rapport fait 85 pages mais les résultats sont sans appel : 18% des agriculteurs vivent sous les seuil de pauvreté, 8 millions de français sont en précarité alimentaire et le nombre de diabétiques a augmenté de 160% en 20 ans.

Côté environnement l'enquête indique que 30% des oiseaux des champs ont disparus ces 15 dernières années et que pas moins de 437 captages d'eau potable ou été abandonnés entre 2010 et 2021 à cause d'une contamination par des pesticides et/ou nitrates.

Ce système à bout de souffle ne permet pas de compenser de fortes inégalités et tous ces dommages ont un coût pour les finances publiques, un coût important chiffré à 19 milliards d'euros par an !

Il est décomposé par l'étude en 3 volets avec un coût de 12 milliards d'euros pour la santé, près de 3,4 milliards d'euros pour (un peu) réparer les impacts écologiques et de 3,4 milliards d'euros pour les impacts socio-économiques.

Ce chiffre est d'ailleurs le coût plancher qui ne prend en compte que ce qui est chiffrable, donc ne prend pas en compte ce qui ne l'est pas : les pertes de biodiversité, les conséquences sur la santé mentale, la dégradation des sols ou bien encore les maladies qu'il n'est pas encore possible d'imputer à ce cocktail chimique.

Ce système agro-industriel à la dérive nous coûte donc au moins 19 milliards d'euros par an, ce qui correspond tout de même pour mieux l'appréhender, à la somme de 279€ par an et par personne (soit plus de 1.000€ pour une famille de 4 personnes). Mais ce n'est pas tout, il faut aussi compter les aides, c'est le second volet de cette enquête.

l'enquête « l'injuste prix de notre alimentation » du Secours Catholique

l'enquête « l'injuste prix de notre alimentation » du Secours Catholique

Des aides massives pour maintenir et transformer le système :

Mais ce n'est pas tout et juste ce que ça nous coûte pour essayer de réparer les dégâts, il faut y ajouter le coût des aides publiques pour maintenir ce système alimentaire et le coût est encore plus faramineux. En effet, les aides publiques représentent un coût global chiffré à 48,3 milliards d'euros par an !

Alors sur cette coquette somme il faut dire que 10,3 milliards d'euros sont distribués par l'Union Européenne notamment à travers les aides de la PAC. Mais le contribuable est là encore largement mis à contribution à travers l'état pour 28,5 milliards d'euros par an et les collectivités territoriales à hauteur de 9,5 milliards d'euros par an.

Au total donc nous évoquons un coût annuel pour les contribuables français de 67 milliards d'euros, c'est le montant global de l'argent public dépensé chaque année en aides et coûts cachés. Notons aussi qu'en 2023, les entreprises du CAC 40 ont reversé 67 milliards d'euros en dividendes à leurs actionnaires (un heureux hasard).

Nous sommes 68 millions de français(e)s alors nous vous laissons faire le calcul de ce que ça nous coûte individuellement, le calcul est simple à faire puisque à 1 milliard près nous arrivons à pas loin de 1.000€ par personne et par an (ça fait quelques chariots de courses déjà).

Car le rapport révèle aussi que la course à la productivité et à l'expansion des fermes usines n'a pas que des avantages : il y avait 13,8 millions d'agriculteurs en 1921, ils n'étaient déjà plus que 800.000 en 2020.

Le nombre d'exploitations agricoles a chuté de 1,6 millions d'exploitations en 1970 à seulement 370.000 en 2020, alors que sur la même période la surface agricole utile a elle passée de 18,8 millions d'hectares en 1970 à 68,6 millions d'hectares en 2020.

Des exploitations toujours plus grandes, mais qui semblent aggraver les coûts cachés payés par les contribuables français plus que de permettre aux exploitants agricoles de vivre de leur travail.

Car d'autres acteurs sont apparus ces dernières décennies, nous évoquons ici les intermédiaires : les industriels qui cuisinent à votre place, les distributeurs avec l'apparition des supermarchés mais aussi les franchises avec les chaînes de restauration.

Un autre aspect est que certains responsables politiques aiment bien reporter la faute sur les ménages et indiquent volontiers que l'alimentation serait devenu une variable d'ajustement pour les français(e)s. Tout comme certains syndicats agricoles d'ailleurs, mais c'est l'histoire de l'oeuf ou la poule (qui l'a dit en premier ?).

Là encore les données de cette enquête rétablissent la vérité et indiquent que l'alimentation représente environ 17,5% du budget des ménages en 2022 contre 19,5% en 1986 (soit une baisse de seulement 2% sur les 35 dernières années).

Dans le même temps le coût du logement est lui passé de 20% du budget des ménages en 1986 à près de 27% du budget en 2022, ce qui explique sans doute en partie la baisse du budget alimentaire des ménages les moins aisés.

Un système qui coûte cher, mais il doit aussi y avoir des gagnants :

Le constat est sans appel, l'étude chiffre donc que le système alimentaire nous coûte 67 milliards d'euros par an. Mais sur cette somme hallucinante qui représente près de 10% du budget total annuel de l'état français, y a t'il des entités qui elles gagnent de l'argent et comment est il réparti ?

Un volet de l'étude « l'injuste prix de notre alimentation » s'intéresse à cet aspect aussi et le chiffre à retenir c'est que quand vous dépensez 100€ pour votre alimentation, l'agriculteur lui ne récupère que 6,90€ en bout de chaîne (revenu net) !

Car ce système agro-industriel a au fil des décennies a aussi ajouté tout un tas d'intermédiaires dans le circuit, qui bien entendu font leur beurre aussi, sans oublier l'état qui prélève la TVA et tout un tas de taxes à chaque étape ou presque.

Alors il est difficile de savoir exactement qui prend quoi entre ceux qui spéculent sur les prix des matières premières, les grossistes, les transformateurs, les distributeurs, etc... Ni de connaitre l'impact des lois Egalim et Decrozaille pour limiter les promotions en supermarché afin d'assurer un meilleur revenu aux agriculteurs (ce qui visiblement est un échec).

Ce que l'on sait par contre car ça avait déjà été documenté et est rappelé dans ce rapport, c'est que les multinationales ont profité des crises pour augmenter leurs prix, mais aussi et surtout leurs profits.

Sans surprise, le grand gagnant est l'industrie agroalimentaire (les transformateurs donc) qui a augmenté ses marges de 20% entre 2021 et 2023 comme déjà expliqué dans notre article sur les vraies raisons de l'inflation alimentaire.

Les distributeurs ne sont pas en reste mais comme ils n'ont aucune obligation de donner ce type d'informations, c'est le grand flou. Ce qui est acté c'est que les lois Egalim imposent une marge minimale de 10% aux distributeurs, un surcoût estimé à 1,6 milliards d'euros par an pour les consommateurs.

Si on prend l'exemple de l'essence, après avoir fait un effort lorsque le prix au baril était au plus haut, les distributeurs ont ensuite profité de la baisse de son prix pour eux aussi augmenter leur marge de 15 centimes au litre (soit 7,50€ sur un plein de 50 litres) comme expliqué dans notre revue de presse du mois de novembre dernier (et ça continue auhourd'hui).

Alors la limite est que certains chiffres datent de 2021, d'autres de 2022, etc... Mais la tendance reste la même. Ce qui est sûr en tous cas c'est que le prix de l'alimentation a augmenté de 21,4% entre 2022 et 2025 comme l'indique l'UFC Que Choisir dans son dernier rapport sur l'inflation réelle paru début février.

l'augmentation des marges de l'industrie agroalimentaire ©INSEE

l'augmentation des marges de l'industrie agroalimentaire ©INSEE

Les profits des multinationales, la publicité ciblée sur les enfants :

Les industriels français de l'agroalimentaire ont généré en France un chiffre d'affaire de 198 milliards d'euros (hors multinationales étrangères donc) sur l'année 2023. L'excédent brut est estimé par l'INSEE à environ 15 milliards d'euros pour l'année 2022 (et a augmenté en 2023 même si les chiffres ne sont pas encore disponibles).

L'argent coule à flot et une partie des bénéfices servent à faire de la publicité, l'enquête du Secours Catholique chiffre les dépenses publicitaires à 5,5 milliards d'euros par an juste pour l'alimentation.

Le problème, c'est que comme révélé dans notre article sur la publicité des supermarchés, ce marketing et les promotions mettent principalement en avant les produits les plus néfastes pour la santé et l'environnement. Pire encore de nombreuses publicités et offres promotionnelles visent les enfants !

Pourtant et malgré une industrie qui se porte visiblement très bien, le gouvernement français a lancé en 2023 un grand plan de soutien à l'industrie agroalimentaire pour créer un fonds d'investissement de 500 millions d'euros dans le cadre de son plan de relance France 2030.

Un autre point intéressant d'ailleurs est que ce plan de soutien indique comme principale ambition de "garantir la souveraineté alimentaire", tout comme d'ailleurs certains syndicats agricoles qui se servent de cet argument pour demander moins de contrôles et de normes.

Ils oublient de dire que 43% de la surface agricole est cultivée dans le but d'exporter (des céréales principalement, mais aussi du vin) comme le révèle cet article de Franceinfo, qui reprend les conclusions d'une étude de Terres de Lien. Si l'on réorientait ces cultures pour vraiment nourrir la France, elle serait indépendante et n'aurait pas besoin de tous ces artifices !

Pour en revenir à l'enquête de Caritas France, elle nous enseigne donc que les coûts cachés du système agro-industriel reviennent à 67 milliards d'euros chaque année aux finances publiques (fourchette basse basée uniquement sur ce qui peut être chiffré).

Devinez combien les entreprises du CAC 40 ont reversé en dividendes à leurs actionnaires en 2023 ? 67 milliards d'euros tout pile ! Devinez combien elles ont distribué en 2024 ? 94 milliards !

Voilà de quoi éclairer le débat autour de l'alimentation, qui comme nous venons de le voir a des impacts bien plus larges que nos simples assiettes, de la santé à l'environnement en passant par l'emploi, mais aussi les mouvements de contestation type gilets jaunes jusqu'aux manifestations des agriculteurs.

Hors au final ce sont les consommateurs qui ont le pouvoir de faire bouger les lignes : si personne n'achetait de pâte à tartiner à l'huile de palme il n'y en aurait plus dans les rayons, si plus personne n'achetait de l'eau en bouteilles plastiques elles disparaîtraient aussi, et ainsi de suite.

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