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Alimentation : après les promesses, la privatisation des contrôles

L'UFC Que Choisir continue de dénoncer les promesses non tenues par le gouvernement, avec cette fois un sujet sensible s'il en est : l'alimentation. Suite aux scandales Buitoni et Kinder l'an dernier, l'état avait promis d'agir, mais pour l'association de défense des consommateurs les actes ne vont pas dans le bon sens. Essayons de faire la lumière sur la suite de ces événements malheureux, qui ont tout de même coûté la vie à deux enfants.

 

Alimentation : des annonces prometteuses, des décisions calamiteuses

La déflagration fut telle suite au décès de deux enfants et avec l'enchaînement de plusieurs scandales sanitaires dans le domaine de l'alimentation en 2022, enfin de l'industrie agro-alimentaire car ce sont eux qui sont dans tous les mauvais coups et non pas toute la filière, que le gouvernement s'est saisi du dossier.

Comme d'habitude de belles promesses ont été faites pour répondre au battage médiatique, puis ensuite comme trop souvent : "plus de son, plus d'images" comme le dit l'expression. Heureusement les associations de consommateurs elles suivent ces dossiers pour voir si les choses évoluent, et alertent quand ça ne va pas dans le bon sens.

Justement l'UFC Que Choisir révèle dans un article paru fin juin 2023 que les changements apportés ne sont pas conformes aux annonces faites l'an dernier. Pour rappel le gouvernement avait annoncé vouloir renforcer les contrôles sur les acteurs de la chaîne alimentaire, la mesure phare consistant à transférer les missions de contrôle de la DGCCRF au Ministère de l'Agriculture.

Un transfert de compétences entré en vigueur début 2023, et dont la palette a été largement élargie par rapport aux annonces faites initialement.

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qui contrôle les acteurs de la filière agro-alimentaire ? (crédit image : pixabay)

En effet, Que Choisir indique que les missions de contrôles transférées sont finalement bien plus nombreuses que prévu : additifs, arômes, compléments alimentaires, contaminants, nouveaux aliments (comme les insectes), les OGM et une partie des matériaux de contact alimentaire (contenants et emballages) sont désormais également du ressort du ministère.

Ce n'est donc plus la DGCCRF qui s'occupe de ces contrôles, mais le Ministère de l'Agriculture. Une source d'inquiétude pour nous car une partie de nos politiques ont ces dernières années fait allégeance aux lobbys de l'agriculture intensive et agro-alimentaires (enfin ça c'est notre avis), comme d'ailleurs expliqué dans un billet du président de l'UFC Que Choisir au mois de mai.

Hors, les craintes se précisent car l'association de consommateurs dénonce une privatisation rampante des contrôles sanitaires du secteur de l'alimentation. Beaucoup d'acteurs pointent du doigt les fameux « auto contrôles » qui seraient à la base d'une partie des scandales sanitaires récents, avec des délais pour alerter les consommateurs bien trop longs (nous y reviendrons).

 

Personnel non formé, contrôles délégués au privé, quelle est la réalité ?

Car transférer les contrôles d'une entité à une autre nécessite notamment la création de postes dédiés à ces nouvelles missions. Pour ce faire la création de 190 postes au Ministère de l'Agriculture a été promis, mais selon Que Choisir certains sont toujours en cours de recrutement et n'ont pas permis d'assurer la formation de l'ensemble des agents concernés.

Mais ça n'est que le début car le ministère a prévu une parade pour palier à ces difficultés : déléguer les contrôles qu'il ne peut pas assurer à des opérateurs privés. La modique somme de 32 millions d'euros (32.000.000€) aurait été budgétée pour sous-traiter les contrôles, somme qui aurait permis d'embaucher 500 fonctionnaires selon les calculs effectués.

Ce qui équivaut selon les syndicats du ministère à l'embauche de 5 fonctionnaires par département, soit autant de personnes en mesure de réaliser des contrôles de qualité et garantis dans leur neutralité. Car ce n'est pas encore fini, il reste à voir qui sont ces opérateurs privés qui vont récupérer ce nouveau et juteux marché.

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visuel d'illustration de l'analyse de café en laboratoire (crédit image : pixabay)

Comme le révèle l'UFC Que Choisir, les acteurs privés qui réalisent ce type de contrôles sanitaires ne courent pas les rues. Ce sont ceux qui réalisent déjà les auto-contrôles et donc sont dépendants des acteurs de la chaîne agro-alimentaire, à qui seront sans doutes délégués ces contrôles : APAV, Bureau Veritas, Eurofins et QualiConsult.

Sous-traiter des missions de contrôle public censés être impartiaux à des laboratoires privés qui font déjà un travail similaire pour les mêmes entreprises, représente un risque de conflit d'intérêt majeur. Ce qui ne semble pas gêner le ministre de l'agriculture, qui se cache derrière le droit européen pour valider une décision qui va à l'encontre de l'intérêt des consommateurs.

De plus, on ne parle pas de quelques centaines de contrôles, mais de 100.000 contrôles par an dont 75% seraient donc confiés à des acteurs privés (soit environ 75.000 contrôles par an, un beau marché à prendre). Les syndicats alertent également sur le risque d'une augmentation du prix une fois que ces acteurs auront le monopole de ces contrôles, avec aussi le risque d'une explosion des coûts pour les finances publiques à moyen terme.

Source : article de l'UFC Que Choisir (27/06/2023)

 

L'état encore complice, mais qu'en est il des consommateurs ?

Voilà donc la réalité de ce transfert de compétences d'une autorité indépendante vers un ministère, qui n'annonce rien de bon pour le futur. Si vous pensiez que deux enfants tués auraient enfin fait bouger les choses, c'est tout l'inverse qui est en train de se passer derrière une communication bien huilée qui laisse penser que les contrôles vont s'intensifier. Ce qui est vrai en quantité, mais pas en qualité.

Mais le pire au final c'est que les scandales n'effraient pas non plus les consommateurs, qui oublient en quelques semaines tout ça et ne changent pas leurs mauvaises habitudes. Des consommateurs littéralement lobotomisés par le marketing et la publicité des multinationales de l'agro-alimentaire, qui veulent acheter leurs marques favorites quel qu'en soit le coût (financier et humain).

Par exemple le scandale des chocolats Kinder contaminés à la salmonelle en 2022 et aurait selon cet article de Franceinfo rendu malade une centaine d'enfants en France (et 500 enfants en Europe), n'a pas empêché Ferrero de réaliser un chiffre d'affaire record cette année là (14 milliards d'euros quand même).

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la publicité lobotomise les consommateurs, et ça fonctionne (crédit image : pixabay)

Cet exemple est criant car justement les questions qui restent en suspend dans cette histoire ont un lien avec les fameux contrôles que la France veut lentement mais sûrement privatiser, puisque la multinationale aurait attendu 10 jours après avoir été alertée avant de retirer ses produits des rayons.

Pour quelle raison ? Nous avons bien notre idée mais n'allons pas l'exprimer. C'est en tous cas un parfait exemple de l'inefficacité des auto-contrôles réalisés par des acteurs privés et la preuve qu'il n'est sans doutes pas une bonne idée de privatiser ceux réalisés par les pouvoirs publics (en raison des conflits d'intérêts). C'est pourtant la décision prise par la France, encore une fois à l'encontre du bon sens et de l'intérêt des consommateurs.

Alors la question qui se pose aujourd'hui justement, c'est à quand le prochain scandale sanitaire dans l'industrie agro-alimentaire ? Car prochain scandale il y aura forcément, le futur nous le dira mais il ne faudra sans doutes pas attendre bien longtemps car leur rentabilité est plus importante que notre santé.

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